dreamers / merlyn.

« On se voit demain. » Employés salués, le corps un peu ankylosé d’être au boulot depuis la matinée. La livraison à gérer, et Polar qui insistait pour tout ranger avec ses propres mains. La baguette rangée, et le dos éclaté. Mais ça l’occupait, et ça lui faisait du bien. Il n’avait jamais été du genre à trop utiliser la magie, même pour les choses les plus simples. Aimait utiliser ses mains pour accomplir les choses - ça avait toujours été comme ça, et il ne changerait pas. La clientèle de la soirée commençait doucement à arriver, et avant que le bar ne soit trop bondé, Polar se faufile à l’extérieur pour prendre une grande bouffée d’air. Ça lui remplit les poumons et ça fait un bien fou, il doit bien l’avouer. Un peu moins l’envie de rentrer et de juste se coucher, peut-être qu’il pourrait attraper un bouquin et se laisser emporter. Il se traîne donc jusqu’à sa porte, pour finalement entrer dans le silence rassurant de son appartement. Toujours le petit brouaha d’en bas pour lui occuper l’esprit, il se dirige cependant vers son tourne disque pour mettre un peu de musique. Baguette agitée, cette fois, pour répandre les notes harmonieuses dans le petit logement, et apaiser ses pensées.

Repas préparé, il mange seul. La solitude à laquelle il ne s’est habituée qu’à moitié, depuis le départ de Lucy. Parfois, il se demande s’il ne devrait pas essayer de trouver un peu de compagnie. De remplir ce vide, de retrouver quelqu’un avec qui partager son quotidien. Mais une part de lui en est incapable, il doit l’avouer. Qui pourrait remplacer Lucy ? Ça faisait trop mal d’y penser. Alors il préférait grandement rester seul. C’était plus facile, autant que c’était plus difficile. Vaisselle rangée, Polar se laisse retomber dans son canapé avec un verre de whisky. Ça fait mieux passer le reste. Et alors qu’il va pour ouvrir un bouquin, des coups à la porte. Il se redresse, curieux. Cependant pas bien alarmé - ça arrivait parfois qu’on vienne lui demander un ou deux trucs pour en bas. Alors il se relève avec un soupir, se traîne jusqu’à la porte. Ouvre celle-ci, s’attendant à voir Mercy ou Andromeda, ou n’importe qui. Mais derrière, y’a Merlyn.

« Merlyn ? » La surprise dans ses traits, alors qu’il observe sa soeur. Pas de doute là-dessus, c’est bien elle. Elle paraît fatiguée, un peu déstabilisée. Merlyn qui est toujours dans ses aventures, jamais à Londres, la voilà qui débarque sans prévenir. Et Polar constate, malgré tout, la valise à ses pieds. « Entre. » Qu’il dit simplement, en désignant l’intérieur de l’appartement. Refermant derrière elle, le noeud serré dans son estomac. « Quelle surprise. » Le sourire, tout de même, sur ses traits. Il s’avance pour l’accolade, content de voir sa soeur malgré la surprise. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Qu’est-ce qui t’es arrivé, Merlyn, pour que tu débarques comme ça avec ta valise ?

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@polar machen

Bracing for the winds I always summon my home, my heart, thank God you are someone who loves me.

Merlyn avait fait le voyage d’une traite, sans y réfléchir à deux fois. Désireuse de mettre le plus de distance possible avec la maison – leur maison – elle s’était envolée pour le premier lieu qui lui était venu en tête : Londres. Elle avait fourré dans une petite valise quelques vêtements pris au hasard dans son placard, comme un automate. Les larmes n’avaient pas coulé, comme bloquées quelque part en elle, bloquées dans la boule qui lui serrait la gorge et la poitrine. C’est rien, c’est rien. Elle s’était répété ces quelques mots sans y croire, juste pour entendre un son et ne pas penser à quoi que ce soit d’autre. La tête vide, focalisée sur la valise, puis le voyage. Partir vite, loin. Un retour aux sources auquel elle n’avait pas songé, mais qui s’était juste imposé de lui-même. Tout comme la destination à prendre une fois arrivée sur sa terre natale. Elle avait transplané jusque devant chez Polar, sa valise à la main. Ce dernier transplanage avait été difficile, il avait demandé une concentration qu’elle n’avait pas, une énergie qui lui manquait. Elle avait mal au dos, elle était fatiguée. Elle avait perdu la notion du temps, mais son corps le lui rappelait bien. Son ventre, surtout. Dissimulé sous son large manteau, il était pourtant bien là, lourd et encombrant, tirant douloureusement sur ses reins et son dos. Elle ne voulait pas y penser. Plus tard, elle y songerait, mais pas encore.

Elle monta lentement les marches du petit immeuble et frappa finalement à la porte de son frère. Elle n’eut pas beaucoup à attendre avant qu’il n’ouvre, et elle vit la surprise se peindre sur ses traits. Ca faisait un bout de temps qu’elle n’était pas revenue. A l’improviste, encore plus. « Merlyn ? » « Salut, Polar. » Elle lui adressa un sourire fatigué, avant qu’il ne l’invite à entrer. Elle pénétra dans l’appartement en ressentant un grand soulagement à la vue du lieu familier. Enfin. Ce n’était pas la maison, elle n’avait pas voulu retourner chez leurs parents. Mais c’était tout comme. « Quelle surprise. » Elle posa sa valise par terre et reporta son regard sur Polar, qui semblait toujours ahuri. Elle sourit de plus belle, le cœur réchauffé rien que de le voir là. Les derniers jours se fondaient dans un brouillard informe, éclipsés par la présence de son frère, si rassurante. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Elle lui rendit son étreinte, un peu malaisée à cause de son ventre qui vint se mettre entre eux. « Je suis partie. » Fit-elle simplement, en ôtant son manteau. Maintenant, il avait l’évidence sous les yeux, difficile de l’ignorer. Elle était enceinte et ça se voyait clairement depuis quelques mois. Le bébé s’épanouissait sereinement en elle, malgré le chaos des jours passés. « Tu vas être tonton. » Lança-t-elle d’un ton qui se voulait léger, mais qui grinça de façon discordante. La boule se reformait lentement en lui serrant la gorge. « Est-ce que je peux rester là quelques jours ? » Elle n’arrivait plus à faire semblant. La détresse se lisait clairement dans ses yeux, cette fois, quand elle les posa sur son frère. Elle irait où, s’il disait non ? Chez les parents ? Chez Tigo ? Mais c’était Polar qu’elle voulait avoir près d’elle. Parce qu’il comprendrait exactement ce qu’elle ressentait.

par beloved.